CONSCIENTISACTION

Le concept en bref

La conscientisaction, un des quatre concepts de la Pédagogie à l’école de langue française (PELF), se décrit comme suit :

Les élèves et le personnel enseignant prennent conscience des enjeux de la francophonie et agissent sur leurs réalités.

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1Agir ou réfléchir?

Le mot « conscientisaction » provient sans surprise de l’union des termes « conscientisation » et « action ». Le pédagogue renommé Paolo Freire voyait déjà, il y a quelques décennies, le mot « conscientisation » comme un concept réunissant la réflexion et l’action. En fait, il mettait en garde contre la réflexion sans action tout comme il appréhendait l’action sans réflexion.

En recherche, remonter aux sources de la conscientisation ramène habituellement vers Freire (1985) qui a légué au monde de l’éducation un ouvrage important intitulé : La pédagogie des opprimés.

Dans cet ouvrage qui établit des liens étroits entre la conscientisation et l’éducation, Freire s’ingénie à faire comprendre aux ouvriers et ouvrières que pour améliorer leur sort et celui de leur famille, ils doivent comprendre les enjeux qui conditionnent leur vie et doivent s’engager à transformer les situations qui ne leur conviennent pas en participant aux prises de décisions, en ayant « leur » mot à dire sur tout ce qui les touche. Il les amène, par une pédagogie de la conscientisation et du partage du pouvoir, à apprendre à lire et à revendiquer leur place au niveau social en réfléchissant et en agissant avec les autres.

Marianne Cormier (N.-B.) explique l’importance pour le personnel enseignant de réfléchir à son propre vécu en fonction du mandat de l’école de langue française.

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2La PELF et ses alliés naturels

La conscientisaction rejoint plusieurs principes importants véhiculés par les alliés naturels de la PELF. Par exemple, l’Approche culturelle de l’enseignement énonce que : « La construction identitaire est une démarche personnelle résultant d’un choix libre et réfléchi » et que « La mobilisation de la famille, de l’école et de la communauté est essentielle à la transmission et à l’appropriation de la culture ». Dans son modèle illustrant la démarche identitaire de la personne , l’ACELF décrit l’interaction entre le vouloir, l’agir et le réfléchir. Le mouvement de l’École communautaire citoyenne préconise une meilleure connaissance des droits linguistiques et l’importance pour les acteurs des communautés francophones de se mobiliser et de s’approprier les enjeux sociaux qui peuvent influencer l’engagement communautaire et citoyen des élèves. Les efforts soutenus de la Commission nationale des parents francophones mettent en relief l’importance de la petite enfance dans le continuum d’enseignement et misent sur une meilleure compréhension des enjeux politiques et sociaux pour les divers partenaires scolaires, dont la famille et la communauté.

Des outils comme la série Voir grand, qui traite d’initiatives familiales, de choix à l’adolescence, de diversité culturelle, le cahier pour l’enseignant Favoriser la réussite et la Trousse du passeur culturel, visent à accroitre la compréhension des partenaires scolaires clés quant à l’impact des expériences linguistiques et culturelles des élèves en contexte francophone minoritaire.

Kenneth Deveau (N.-É.) explique l’importance des « outils pour choisir ».

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3Pensée critique et milieu minoritaire

Le contexte minoritaire parfois précaire de l’école de langue française justifie que celle-ci cherche à développer la pensée critique chez les élèves et à les outiller pour qu’ils puissent faire des choix éclairés. On comprend mieux le sens que Freire accorde à la pensée critique lorsque l’on connait son continuum allant de la pensée magique à la pensée critique en passant par la pensée naïve.

La personne qui a une pensée magique est loin des enjeux sociaux et croit que tout se règle comme par magie sans nécessité d’intervention de sa part. Celle dotée d’une pensée naïve a des connaissances partielles et souvent erronées des enjeux sociaux qui influencent sa vie. Elle s’en remet à un pouvoir supérieur (un dieu, le gouvernement ou autre) en se disant impuissante pour changer les choses. La personne qui fait preuve de pensée critique essaie de comprendre les éléments qui contrôlent sa vie. Elle tâche de saisir les divers points de vue sur ces éléments, prend position et s’engage dans des actions transformatrices.

Réal Allard (N.-B.) explique la pertinence de la conscientisaction pour le développement de la pensée.

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4Pensée critique et enseignement en contexte minoritaire

C’est le rapprochement que Freire fait entre le développement de la pensée (ou de l’esprit) critique par une pédagogie conscientisante et de prise en charge de l’apprenant qui a capté l’intérêt de chercheurs et chercheures en contexte linguistique minoritaire francophone.

En effet, si l’école de langue française parvient à développer chez son personnel enseignant et ses élèves une meilleure compréhension des enjeux sociaux qui façonnent leur vie, elle aura accompli une bonne partie de son mandat identitaire au plan individuel et collectif.

À une époque où les communautés francophones minoritaires sont confrontées à divers défis (démographiques, politiques, juridiques, etc.), des actions s’avèrent nécessaires pour accroître leur vitalité linguistique et culturelle. Dans le contexte d’un pays bilingue, cette vitalité francophone implique évidemment une activité dynamique de la communauté minoritaire et une certaine promotion du bilinguisme additif (Landry, R., Allard, R. et Deveau K., 2010); ce type de bilinguisme signifie spécifiquement que l’on ne perd rien en apprenant une nouvelle langue. Au contraire, ce type de bilinguisme suppose que l’on ajoute à son bagage linguistique et culturel de façon complémentaire. L’école de langue française constitue un facteur important pour appuyer le bilinguisme additif. En fait, dans leur explication du balancier compensateur, Landry, Allard et Deveau (2010) rappellent que l’école en contexte minoritaire francophone est reconnue pour appuyer le bilinguisme additif en faisant un contrepoids aux médias, aux structures sociales, aux politiques et services qui sont souvent principalement offerts dans la langue de la majorité. En ce sens, l’élève qui fréquente l’école de langue française dans un contexte anglo-dominant se donne les chances de développer son français, de mieux comprendre les caractéristiques culturelles de cette langue et de construire sur ce bagage.

L’épanouissement de la communauté francophone minoritaire et le bilinguisme additif de ses membres est favorisé par la synergie entre l’école, la communauté et la famille surtout si ces entités réussissent à se rallier les forces politiques et institutionnelles.

Diane Gérin-Lajoie (Ontario) recommande de développer le sens d’appartenance à la francophonie par la prise de conscience.

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5Des actions qui transforment

En adoptant la conscientisaction comme l’un de ses concepts clés, la PELF souhaite dissiper tout doute possible qu’en contexte francophone minoritaire ni l’action sans réflexion ni la réflexion sans action, ne suffit. Le mandat linguistique et culturel des écoles de langue française exige la combinaison des deux. En effet, de nombreux projets proposés notamment par l’ACELF ou la FNCSF donnent lieu à des exemples engageants et à une certaine transformation sociale qui passe souvent par la prise de conscience et par l’engagement individuel des personnes. Partant du principe que le développement de l’esprit critique engendre l’engagement et que l’engagement engendre à son tour le développement de l’esprit critique (Ferrer, C. et Allard, R., 2002), les écoles en contexte francophone minoritaire ont tout à gagner en investissant dans la conscientisaction.

Paule Buors (Manitoba) fournit un exemple de transformation chez les élèves.

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Des exemples en classe

Un premier « moment pédagogique » qui illustre la conscientisaction en classe.

Peser ses choix

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