SENSIFICATION

Le concept en bref

La sensification, néologisme qui désigne un des quatre concepts de la Pédagogie à l’école de langue française (PELF), se décrit comme suit :

Les élèves et le personnel enseignant vivent des apprentissages contextualisés qui donnent du sens à ce qu’ils vivent par rapport à la francophonie.

Image Map

1« Pourquoi on fait ça, madame? »

Selon la théorie de l’autodétermination, apprendre et se développer est un phénomène naturel et inné chez l’être humain.

En lien avec ce constat, le sociologue et éducateur Jean-Pierre Lepri explique que ce que nous apprenons ne nous a pas toujours été enseigné et que ce qui nous a été enseigné n’a pas toujours été appris. En effet, la vie et le milieu dans lequel on vit présentent bien des occasions d’apprendre. Selon Lepri, l’apprenant ou l’apprenante apprend ce qui a du sens pour lui, ce qui lui semble utile et pertinent, d’où la célèbre question des élèves : « Pourquoi on fait ça, madame? ». Lepri est le premier, et ce dans le contexte de la lecture, à avoir utilisé le terme « sensification ».

En raison du contexte minoritaire de l’école de langue française au Canada, il importe de réfléchir à la place réservée au sens, reconnu pour son rôle dans la motivation et dans l’apprentissage.

Jules Rocque (Manitoba) parle de donner du sens aux apprentissages comme étant « beaucoup plus large que le travail d’un jour ».

À voir aussi

2La PELF et ses alliés naturels

Partout dans le monde, les systèmes d’éducation sont principalement pensés pour la majorité. Les programmes d’études, les manuels scolaires et, plus récemment, les ressources technologiques sont alimentés par l’idéologie dominante. Heureusement, au Canada, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés a favorisé l’implantation d’écoles pour les communautés de la minorité linguistique officielle (Landry, R. et Rousselle, S., 2003). À la lumière de la jurisprudence sur la question, les tenants de l’École communautaire et citoyenne considèrent que rien n’est mieux pour les francophones en contexte minoritaire que de gérer eux-mêmes leurs écoles afin que les différentes facettes de l’éducation aient un « sens » à leurs yeux.

Ce qui a du sens pour une personne devient souvent un référent pour elle. Les structures sociales et familiales en contexte francophone minoritaire font que les référents culturels des élèves et du personnel enseignant proviennent souvent de la majorité. Selon la recherche, plus faible est la vitalité linguistique minoritaire, plus les élèves de cette minorité ont des comportements linguistiques comparables à ceux de la majorité (Landry, R., Allard, R. et Deveau, K., 2006). L’Approche culturelle de l’enseignement et la Trousse du passeur culturel avancent que pour rétablir un certain équilibre quant à la signifiance des expériences des jeunes par rapport à ce qu’ils sont, il importe de leur offrir des modèles culturels forts et de leur proposer des activités et des projets qui leur procurent des référents culturels francophones qui « collent » à la fois à leur réalité et au contexte de l’école de langue française. La PELF traduit cet impératif par le néologisme « sensifier ».

Diane Gérin-Lajoie (Ontario) partage un entretien qu’elle a eu avec une élève au cours de ses recherches.

À voir aussi

3Saisir l’occasion de motiver

La sensification, par sa nature, est intimement liée à un autre des concepts de la PELF, la dynamisation. La sensification suppose que des efforts ont été faits pour satisfaire les besoins psychologiques de base des individus afin que ceux-ci voient le sens de s’engager et d’initier une action de leur propre gré. En effet, comme la satisfaction des besoins d’autonomie, de compétence et d’appartenance, le sens que les gens accordent aux choses est hautement lié à leur motivation. En termes de comportement linguistique, c’est lorsque la raison — le sens d’une action — est intériorisée par un individu que celui-ci éprouve une motivation intrinsèque (Landry, R., Allard R. et Deveau, K., 2010) face à cette action.

Pour la PELF, sensifier, c’est saisir l’occasion, chaque fois qu’elle se présente, d’aborder une situation, un problème, un défi, à partir de la perspective de l’apprenant ou de l’apprenante. C’est aussi planifier son enseignement en misant sur des référents culturels francophones qui permettent à l’élève de cheminer au plan identitaire.

Buors et Lentz (2011) résument bien l’esprit de la sensification. Ils parlent de situations d’apprentissage qui donnent pleinement sens à la pratique quotidienne du français. Des situations qui incitent à la réflexion, à la critique et à la créativité et surtout, à la participation active.

Par son témoignage, René O’Reilly (T.N.-O.), fait entrevoir les occasions à saisir lorsqu’on s’intéresse aux intérêts des élèves qui sont reliés à la langue et à la culture.

À voir aussi

4Comprendre le sens pour agir

La sensification en classe dépend de la qualité de dialogue possible entre les personnes.

Effectivement, lorsque le climat est propice à la discussion et favorise l’ouverture aux autres, il permet à chacun de se faire sa propre représentation, c’est-à-dire son propre sens, des sujets discutés. Pour les enjeux reliés à la francophonie, il importe que devant les divers choix qui s’offrent aux personnes vivant en contexte minoritaire, chacun réfléchisse de façon critique au sens de son engagement identitaire et de son engagement communautaire.

En bref, intégrer la sensification dans ses pratiques pédagogiques, c’est s’assurer que les élèves puissent répondre eux-mêmes à la question : « Pourquoi on fait ça, madame? »

Marianne Cormier (N.-B.) explique que l’on nourrit un sentiment d’appartenance envers une langue lorsqu’on s’en sert pour exprimer quelque chose qui a du sens pour nous, pour dire quelque chose de vrai.

À voir aussi

Des exemples en classe

Un premier « moment pédagogique » qui illustre la sensification en classe.

Ce qu'il y a dans un nom

À voir aussi